Extrait New York

Ticket to : New York – Williamsburg

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Greenpoint : 

L’orage a vidé les rues, le bitume brille sous le ciel électrique. De chaque côté de Manhattan Avenue, deux rangées d’immeubles bas, un patchwork de couleurs, de métal et de briques. Pâtisseries polonaises, laveries, épiceries bordéliques.

Des jeunes filles filiformes, hipsters blasées, traversent Greenpoint sans s’arrêter, s’éloignent vers Williamsburg, McCarren Park, un tapis de yoga coincé sous le biceps de leur bras squelettique.

Le temps semble bloqué ou reparti en arrière. Pantalons pattes d’eph’, chemises à fleurs dans les vitrines, Joplin et Dylan derrière les portes ouvertes. Clope qui fume entre les doigts d’un type assis, cheveux longs et veste militaire. Des murs en briques rouges, des slogans effacés, des échelles métalliques accrochées aux façades. C’est un décor de western sans cow-boy ni cheval, le rêve américain mais sans toutes ses icônes. Des voitures japonaises, hybrides, électriques, arrêtées au feu rouge, John Wayne sur une affiche, Marilyn dans un cadre et le sourire d’un clown à l’entrée d’un fast-food.

Williamsburg :

Williamsburg, c’est la capitale du « cool », l’épicentre du « be », le quartier qui rend tous les autres has been, complètement dépassés. Les passants sont jeunes ici, aucun vieux sur Bedford. Personne n’a plus de trente ans.

Le long de la rue, une série de boutiques ciblées : friperies, vieux disquaire, épicerie spécialisée en bière, bouffe bio, macrobio, végétalienne.
Des papas barbus cool transportent contre eux leur bébé cool aussi, jeans slim, T-shirt Ramones et Converse vintage, sac à biberons dans la main gauche, vinyle dans la main droite, Ray-Ban sur le nez, cigarette électronique collée au coin des lèvres.

Avant, ici, c’étaient des usines, des entrepôts et puis tout a changé.

Sous les poutrelles en métal on a mis des lumières rouge et bleu qui alternent dans la fumée des bars, planté les comptoirs dans le béton ciré, vissé les tabourets. Des bouteilles dans les frigos et des sourires aux lèvres. Un verre par personne, un néon sur chaque mur. Les travaux terminés, on a lancé la nuit et noyé le quartier sous les rouleaux orange d’un ciel qui ne s’éteint pas. Une chanson par porte, un rythme par rue, la nuit est un concert, Williamsburg un juke-box.

 Extrait de « Ticket to : New York » – Éd. la Martinière – Gaspard Walter 

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5 Comments

  • Reply
    Curieuse VoyageuseNo Gravatar
    11 avril 2013 at 12 h 33 min

    Ouahouuuu ça donne vraiment envie !
    Je pense que je vais me laisser tenter 🙂

  • Reply
    Tanned@islandeNo Gravatar
    12 avril 2013 at 23 h 10 min

    On dirait que la vie était plus en couleurs quelques années auparavant ! je me rends compte à travers la description et les clichés à quel point on est pris par le gris aujourd’hui! Surement un des plus coins de New York qui comme tu l’s dis donne l’impression d’être dans une autre époque qui fait rêver.

  • Reply
    gaspardNo Gravatar
    14 avril 2013 at 11 h 33 min

    @Curieuse Voyageuse : Merci !

    @Sophie : Oui et pourtant, Greenpoint, c’est encore un coin assez méconnu. Caché derrière Williamsburg et trop éloigné du centre touristique « classique ». Mais Brooklyn, c’est le « nouveau New York », je suis certain que ce n’est qu’une question de temps avant que ce quartier polonais devienne aussi populaire et tendance que ses deux voisins Bushwick et Williamsburg.

    @ Tanned : Quand même, Greenpoint c’est plein de couleurs, une véritable mosaïque de peinture, de briques, d’affiches. Par contre, d’une certaine façon c’est moins New York et déjà plus l’Amérique (et comme la plupart des New Yorkais le disent si bien : ça n’a rien à voir) et en s’y promenant on est assez souvent témoin du déclin du rêve américain d’il y a quelques dizaines d’années et des blessures récentes d’un pays qui doucement doit se résoudre à apprendre la modestie et la dure réalité de sa propre vulnérabilité.

    @ Stéphane : Eh oui, le cool est contagieux à Williamsburg, excessif, pratiquement une religion, qu’on a souvent du mal a suivre entre ce qui est vraiment cool ou cette espèce d’ironie Hipster qui consiste a rendre cool ce qui justement ne l’est pas, mais du coup le devient… même en le disant comme ça, c’est compliqué 🙂

  • Reply
    Aurélien @ Blog voyageNo Gravatar
    22 avril 2013 at 21 h 57 min

    Superbes photos!
    J’ai bien envie de craquer pour ton livre 😉
    J’aime beaucoup tes photos, une ambiance particulière ressort, excellent!

  • Reply
    NicoNo Gravatar
    19 mai 2015 at 0 h 42 min

    Merci pour ce merveilleux ouvrage qui me donne envie de retourner très vite à NYC pour y découvrir toujours plus d’endroits incroyables… Bravo pour ces photos superbes

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