Je voudrais dire un mot de la Nature, de la Liberté absolue et de la vie sauvage…
Henry David Thoreau
Je n’ai jamais été un routard pur et dur, dans le sens où je n’ai jamais véritablement adhéré a la philosophie du voyage roots : passer la nuit sur le tissu humide d’un matelas défoncé, sous les courants d’air brûlants d’un ventilateur asthmatique, supporter le va et vient passionné du sommier de la chambre voisine contre le mur en papier mâché qui la sépare de la mienne, manger mal dans de la vaisselle sale, voyager dans l’inconfort inquiétant d’un bus dangereusement vétuste… Tout ça je l’ai fait, mais toujours parce que je n’avais pas le choix, jamais par envie, jamais pour me prouver que je pouvais tirer le prix de mon voyage vers le bas, vivre pour un euro ou deux alors que j’aurais pu en dépenser le double.
Je n’ai pas de valise à roulettes, pas de banane, pas de smartphone (d’ailleurs même pas de « phone » tout court) et je suis plutôt t-shirt usé que chemisette à manches courtes. Pour autant j’ai toujours voyagé en fonction de ce que je pouvais payer plutôt que de ce que je voulais payer.
Je n’ai jamais volontairement choisi l’inconfort.
En tout cas, pas jusqu’a maintenant…
L’année dernière, après mon passage au Vietnam, en plein mois de juillet caniculaire dans mon appartement de l’Upper East Side, un peu en manque d’exotisme à force de trop de hot dogs pas chers et d’overdose de Diet Moutain Dew, j’ai commencé a penser à la suite. J’ai commencé à sentir l’envie de voyager sans deadline ni contrat, sans compte à rendre et sans appareil photo.
J’ai eu envie de me passer de mon ordinateur, de mon iPod, d’alléger mes 20 kilos de bagages et, à force de faire le ménage j’ai fini par virer tout le reste.
Parce que si je peux voyager sans mon MacBook Air, alors je dois aussi pouvoir me passer du confort d’une chambre d’hôtel, d’une salle de bain perso et puis pourquoi pas aussi d’une salle de bain tout court et puis des transports : bus, train, avion deviennent tout aussi inutiles si je décide d’avancer plus lentement, de profiter du paysage et de voyager en marchant.
À force de couper, de rayer, j’ai franchi la frontière entre voyage et aventure et c’est comme ça que je suis arrivé à tirer les grandes lignes de : The Walk et de l’édition 2013 qui m’enverra dans quelques jours, seul, à pied, sur les routes de l’Himalaya.
Le concept :
Un voyage a l’ancienne, avant l’époque d’internet, avant d’avoir la possibilité de se déplacer à 1000 kilomètres par heure, quand chaque pas comptait et que personne n’était là pour nous prendre par la main.
Un voyage responsable aussi, sans climatisation en plein désert, chauffage électrique dès que la température tombe a 18 degrés, sans transport motorisé .
Et puis un voyage seul, mais pas solitaire : prendre le temps de rencontrer les gens face à face, sans le plexiglas invisible qui s’intercale trop souvent entre les touristes et les locaux dans les régions les plus visitées.
L’envie, enfin, d’aller vers l’essentiel, de vivre une aventure et d’avancer à vitesse de marche, tout doucement.
Le choix de la destination :
J’ai hésité un moment. D’abord décidé pour la Mongolie, c’est finalement la chaine himalayenne que j’ai choisie. Inde, Tibet, Népal, Afghanistan, une longue marche de plusieurs mois, en solitaire, sous les toits du monde entre 3000 et 6500 mètres.
Pourquoi l’Himalaya ? Parce que je n’ai aucune connaissance de la montagne, aucune expérience du froid, à peine quelques notions de survie et qu’en dehors de mes recherches de ces dernières semaines je ne connais rien de cette région.
Je veux me sortir de ma zone de confort.
Alors ce qui me manque, je vais l’apprendre sur place, je vais m’entrainer au fil des kilomètres et pour le reste, les surprises, bonnes ou mauvaises… j’improviserai.
Les 7 rêgles de « The Walk » :
– n’utiliser un véhicule que pour ce qui ne peut pas être fait à pied
– pas de climatisation, pas de surconsommation électrique
– pas d’accès à internet pendant la marche
– charge maximum 15 kilos
– toujours envisager le camping en priorité
– pas de sponsors, pas de crowdfunding
– et puis, comme il n’est pas question de jouer les Alexander supertramp, pas question de franchir la frontière (parfois mince) entre aventure et comportement suicidaire, une dernière règle : être prudent, garder la tête froide et bien entendu, revenir… vivant.
Et maintenant ?
Deux jours avant mon départ.
Pour la première fois, j’ai pris une assurance pour un de mes voyages.
Dans un coin de chambre, j’ai empilé 15 kilos d’équipements commandés après avoir passé un temps fou à mettre au point la liste parfaite pour ce type de voyage. La tente de 800 grammes, le sac de couchage grand froid, le panneau solaire pour les batteries de mon GPS et de mon appareil photo (parce que non, finalement, c’est quelque chose dont je ne pourrais pas me passer) et puis presque un kilo de trousse à pharmacie.
Pour me remplumer un peu, je mange comme quatre et sur internet j’apprends par coeur les noms des étapes de chacun de mes trajets, l’altitude des cols, la température nocturne dans le Zanskar au mois de juillet.
Et puis, le soir, en me couchant je me demande ce que ça fera de s’endormir dans un désert de pierres, sans pollution lumineuse, sans autre bruit que celui du vent, de la neige sur la toile de ma tente. Je pense a la route, a ma longue marche et je rêve de liberté.
6 Comments
Thomas
8 juin 2013 at 13 h 00 minQu’est ce que ta contre les chemises a manche courte ?? 😉
Wooow sacré projet. Bon courage à toi !
Bravo à toi. Je m’etait dis que si je faisais ça j’apporterai un argentique et une pellicule de 11 poses, seulement 11. Pour que chacune des photos soit longement reflechies. Le resultat pourrait être super, ou pas du tout super… 🙂
Un roman en revenant ? Je suis en train de lire le derner de Sylvain Tesson, ses 6 mois en cabane en Sibérie qui est aussi top…
Alexis
8 juin 2013 at 14 h 30 minUn de mes rêves : transformer le voyage en aventure.
Vu la démarche que tu entreprends, je ne suis pas sur qu’on aura l’occasion de suivre ta marche. Mais j’attends avec impatience le retour pour lire, voir, observer, comprendre ce que tu rapporteras.
Ou alors si tu ne rapportes rien, te rencontrer et t’écouter 🙂
Bon vent Gaspard !
gaspard
8 juin 2013 at 18 h 18 min@Thomas : Un ami m’a suggéré un polaroid, deux films et pas un de plus. J’avoue que l’idée est tentante, mais malheureusement je dois prendre en compte le poids de chaque chose et je n’ai plus un gramme de libre dans mon sac.
Un roman en revenant ? J’aimerai bien, mais je ne suis pas certain d’arriver a placer un texte sans image (ni d’arriver à l’écrire d’ailleurs). Alors peut-être un livre. Pour le moment je n’y pense pas, j’ai simplement envie de me balader.
@Alexis : Effectivement, ni ordinateur ni internet, il faudra attendre mon retour pour voir les photos et lire les récits de mes aventures dans les montagnes.
Et pour aller boire un verre et parler voyage : c’est quand tu veux 🙂
sarah
10 juillet 2013 at 14 h 24 minJ’adore ton projet… c’est vrai qu’à force de voyager avec un but précis (raconter ça dans mon blog pour ce qui me concerne), j’ai l’impression de passer à côté de quelque-chose… avec les ordis et les smartphones on est finalement tout le temps connectés et ça quelque-chose d’épuisant… partager son voyage avec la terre entière sur internet c’est bien… mais finalement que reste-t-il du partage avec les gens qu’on rencontre sur place… Merci en tout cas pour cette idée qui me redonne quelques perspectives…
gaspard
10 juillet 2013 at 14 h 53 minDe rien ! J’ai encore du boulot avant d’arriver a couper le cordon a 100% (la preuve), mais j’y travaille
Samy
17 août 2013 at 11 h 05 minAlors là je te tire mon chapeau car tu n’as vraiment pas choisi le plus facile. Suivre les règles que tu t’es fixé, déjà peu de personnes en seraient capables, mais faire ce voyage à pied en haute montagne comme ça , il faut avoir beaucoup de courage! Au moins tu peux dire que tu auras vécu une véritable aventure avec un grand A 🙂