Extrait Vietnam

Ticket to : Vietnam – Sapa

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Black Hmong Village :

Il faut se baisser pour passer la porte. Le soleil entre par les interstices entre les planches et des rayons de lumière flottent dans le vide de la pièce endormie. Les pas s’étouffent sur le sol de terre battue. 
Il y a un enfant qui me regarde à moitié caché dans l’ombre de la pièce voisine, les autres jouent aux osselets devant la porte avec des bonbons qu’elle leur a rapportés de Sapa.

Après le déjeuner elle aurait voulu me présenter au chaman, mais le chaman n’est pas là. Il est parti à l’aube dans la montagne, avec des offrandes pour calmer les esprits. Pas les gentils, les autres, les fantômes, ceux de la nuit qui frappent aux portes, couchent les arbres, effraient les chiens et s’asseyent sur les nouveaux-nés.

— Au Vietnam, il y a eu trop de travaux, trop de nouvelles routes qui coupent les vieux chemins, et les fantômes ils sont perdus.  « Les pauvres fantômes » elle dit. 
— Toutes les nuits, ils appellent, les pauvres fantômes et puis ils hurlent, furieux, contre le vide et l’obscurité.

Mount Fansipan :

5 heures, le camp se réveille au pied de la montagne noyée dans une couronne de nuages bas. Le vent bouscule le refuge, la bâche sur le toit claque au rythme des bourrasques qui plongent des hauteurs et s’éloignent vers Dalat. 

Le petit déjeuner terminé une soupe, un peu de riz froid et les restes de la veille, on reprend la marche. Il a plu, le sol est trempé, nos pieds s’enfoncent dans la boue, on glisse sur les tapis d’herbes mouillées, on se rattrape aux branches, aux lianes qui tombent de la canopée. La jungle se découvre au fur et à mesure, de grandes parois verticales couvertes de lichen orange émergent des forêts de bambous, le long du sentier étroit léché par la frange brumeuse du précipice invisible.

Le sommet approche, le sol se dresse maintenant face à nous et il faut se pencher en avant pour compenser le poids des sacs ; nos mains cherchent à l’aveugle des prises sur les pierres froides. J’ai retiré ma veste et puis mon pull, mon T-shirt couvert de terre me colle à la peau et mes cheveux au front. L’ascension continue, les minutes passent, on avance debout contre la paroi en s’accrochant aux racines et en guettant la fin, mais rien ne change. 

Et puis, d’un coup, la jungle disparaît, laisse place à un paysage lunaire, aride : un chemin de terre rouge s’étouffe dans le coton opaque du brouillard épais, des bouquets d’herbes mortes couchées par le vent froid. Personne devant, personne derrière et le sommet, là, une pointe noire découpée sur le vide blanc du ciel de craie.

 Extrait de « Ticket to : Vietnam » – Éd. la Martinière – Gaspard Walt

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2 Comments

  • Reply
    CamilleNo Gravatar
    2 mars 2014 at 13 h 04 min

    Les photos sont vraiment sublimes, il y a beaucoup de poésie d’en votre manière de raconter les choses.

  • Reply
    Manu @ VoyageAvecNousNo Gravatar
    19 avril 2014 at 6 h 26 min

    Les clichés sont magnifiques ! Une superbe ambiance et le récit correspond parfaitement aux photos !

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    Des papas barbus cool transportent contre eux leur bébé cool aussi...

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