Carte postale postcard

Postcard : Birmanie

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Le poste de douane de Ranong, un rocher posé sur l’eau verte, immobile, couverte de l’écume puante de l’estuaire de Kowthoung. Un type en costume vert, un mec en uniforme. Dans sa main gauche le vide, dans la droite mon passeport, sous une protection en plastique, dont il tripote les bords écornés. Il lève les yeux, il me regarde, puis ma photo, puis moi encore.
– You. you came before ? I saw you before !
– Before ? T’es sûr ? Quand ça before ? Tu m’as pas confondu, non ?
– No ! Saw you before ! Long Time ! You same same before !
– Same same t’es sûr ? Le même carrément ? En plus jeune peut être ?
– No same same !
– OK OK, du calme. Same same si tu veux. Same same si tu le dis. Ouais, c’est sûr, moi aussi ça me fait plaisir. Ca va la vie mon douanier ? Depuis la dernière fois, je veux dire ? Fatigué ? Tu m’étonnes. Hey tu veux pas me rendre mon passeport que je puisse y aller ? J’ai le parfum de l’estuaire qui me pique le nez.

Comme on s’éloigne du poste de douane un speed boat nous dépasse sans ralentir, notre bateau tangue, chavire presque, et les vagues qui se brisent sur le rebord en bois nous éclaboussent les pieds.

En sortant du bureau d’immigration birman -écaille de peinture sur les murs, pas de lumière, meubles fatigués, un préposé au tampon qui somnole sous la brise tiède d’un ventilateur asmatique.- je reçois un message de mon éditrice : « Livres arrivés. Sortie dans une semaine. Je te tiens au courant pour la presse. L. »

L’édition c’est toujours pareil. C’est lent.

Pour la Thaïlande j’avais attendu la première livraison, je voulais tellement voir le résultat que trois mois d’attente, même en hiver, même à Paris, ça ne m’avait pas fait peur. Mais maintenant je bosse à plein temps. Ces deux-là je ne pourrais pas les voir. En tout cas pas tout de suite.

Le bateau longe plusieurs rangées de maisons sur pilotis, navigue dix minutes, s’approche de l’embarcadère et le chauffeur du minibus vient à notre rencontre et nous fait signe depuis le quai
– Visa this way, Quick Quick !
Et puis comme on traîne, il ajoute, « farang » quelque chose en nous escortant vers le bureau des douanes.

Derrière la vitre fumée une femme sans uniforme feuillette mon passeport, fait le tour des visas et des tampons. Le Vietnam et mes deux extensions, le visa américain à moitié effacé à cause de ce jour où il avait plu et où, rentrant vers Brooklyn, on n’avait pas eu envie de s’abriter. Finalement mon dernier visa thaïlandais et un nouveau tampon birman, juste à côté.
C’est marrant d’avoir autant de tampons d’un pays où je n’ai jamais vraiment mis les pieds.
Il était question de faire un ticket to Myanmar, avant le ticket to Moscou, après le ticket to India… j’aimerais bien, ça me donnerait l’occasion d’y faire un tour. Il y a des pays comme ça qui me disent, mais que sans savoir pourquoi je ne fais qu’effleurer.
– Where you go next ?
Je lève la tête, surpris, je sors de mes pensées, j’hésite et je hausse les épaules. Aucune idée. »Not sure yet » je dis.
En marchant vers le parking je lève les yeux vers le ciel et je pense que s’il n’est pas encore midi, déjà il fait chaud, je pense que cet après-midi j’irai me baigner, que la journée sera bonne et en essayant de visualiser les deux nouvelles couvertures de la collection, dans ma tête, je rajoute « quand même, j’espère que ça leur plaira… »

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2 Comments

  • Reply
    Romain@voyager soloNo Gravatar
    4 avril 2013 at 15 h 07 min

    Haha j’aime beaucoup ton style ! Bon courage pour la suite de ton voyage.

  • Reply
    FredNo Gravatar
    15 avril 2013 at 18 h 48 min

    Effectivement ça mérite de pousser plus loin en Birmanie, tu ne seras pas déçu !

  • Répondre à Anonyme Cancel Reply

    Lire les articles précédents :
    thaillll
    10 raisons d’aller (quand même) en Thaïlande

    Plutôt que d'essayer de contourner chaque contre- argument, un par un, je vous propose une liste...

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